Émile Saint-Ober
Homme • Acting
Après des débuts au café-concert, Émile Saint-Ober entra au Conservatoire d'où il sortit avec un prix qui ne le conduisit pas à la Comédie Française mais dans une salle de quartier, le Théâtre de Grenelle, où il excella dans le mélodrame (Roger la Honte). De là il passa au Déjazet pour Le Papa du régiment, puis au Palais-Royal où il joua aussi bien La Cagnotte que Le Chasseur de chez Maxim et dans de nombreuses salles des boulevards ou de Montmartre (la Cigale) pour des vaudevilles ou des revues. Dans le même temps, Saint-Ober était devenu peu à peu un familier des studios de cinéma: dès 1907 à Vincennes, le clown Little Tich qui tournait chez Pathé remarqua ce farfadet dont le nom lui était encore inconnu; il fit en sorte de l'avoir pour partenaire (détail évoqué dans Mon Ciné le 17 mai 1928, à la mort de Little Tich). Des années passèrent, où le théâtre demeurait l'activité principale d'Émile Saint-Ober. En 1911 il interpréta pour la SCAGL un film de Denola, L'Homme au grand manteau, et l'année suivante il commença de participer aux Bout-de-Zan que Louis Feuillade avait entrepris de réaliser avec le petit René Poyen. On le retrouva en 1916 auprès de Musidora dans un autre film de Feuillade: Si vous ne m'aimez pas. Cing ans s'écoulèrent sans qu'on signalât la présence de Saint-Ober dans un film, mais en 1921 les rôles se multiplièrent. Spécialiste des bureaucrates furtifs dont il aimait à composer la dégaine avec une minutie qu'il appliquait aux moindres accessoires, lorgnons et parapluies, Émile Saint-Ober n'avait pas un personnage important à défendre, mais il marquait de sa griffe tous les rôles réputés secondaires, comme le fera plus tard un Pierre Larquey dans le cinéma parlant. On le découvrit en aveugle tragique dans El Dorado, en Durochat dans L'Affaire du courrier de Lyon (« On voit enfin Saint-Ober », soulignait Louis Delluc dans Bonsoir le 20 mars 1923), en pion dégingandé dans Les Grands. Une fois, dans Voulez-vous faire du cinéma? il eut le rôle principal et s'imposa par sa malice. On savait qu'il possédait dans son appartement tout un vestiaire déniché aux Puces et correspondant aux rôles les plus divers qui pouvaient lui être confiés sans préavis, du clochard à l'académicien, mais Saint Ober disait préférer à toute improvisation le lent travail qui conduit à la naissance d'un personnage échappé de la réalité. Il n'eut pas toujours le loisir de se livrer à de telles démonstrations. Il tournait film sur film et entre deux contrats, cultivait ses roses à Boissy-Saint-Léger. Le passage du muet au parlant s'effectua pour lui sans heurt visible et Émile Saint-Ober continua de rester lui- même à travers d'innombrables compositions, qu'il apparût en notaire, en balayeur ou en garçon d'étage, le temps de deux ou trois répliques. C'est dans un film signé Henri Decoin, Le Bienfaiteur, en 1942, qu'il dessina sa dernière silhouette.